Quand je serai grande, je serai toujours une petite fille…

Je serais sûrement moins malheureuse si je vivais dans l’ignorance de la vie des autres. Si je n’avais pas conscience que la liberté existe, et qu’il est possible qu’elle soit accordée et partagée.

Mais hélas, je sais que c’est une réalité. Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi elle ne m’est pas accessible.

Je pense qu’on a tous nos raisons d’en arriver là. Et pour moi ça n’est pas du tout un phénomène de société. Encore moins un phénomène de mode. C’est quelque chose qui a toujours existé, sous une forme ou sous une autre parce que cette volonté, ces intentions, font partie de nous. Profondément. Intrinsèquement. A cause de notre histoire, individuelle et singulière. Ce que la société permet aujourd’hui, contrairement à hier, c’est de le mettre au jour. Ce qui plaira…ou offusquera, suivant les yeux qui regardent et l’histoire qui teinte ce regard.

J’ai trouvé les réponses. Je sais pourquoi cette envie de me sentir libre, devenue besoin, est née en moi. Je sais d’où elle vient. J’en connais les causes. J’ai percé le mystère.

Petite, j’ai été mal aimée. Pas désaimée. Juste mal aimée. Je ne jette pas la pierre à mes parents, je sais qu’ils ont fait ce qu’ils ont pu étant donné les circonstances. Mais le résultat est là. Nous sommes tous des êtres insignifiants, excepté dans le regard de ceux qui nous aiment. Et les premiers à nous aimer sont nos parents. S’ils le font mal, les dégâts seront lourds. Très lourds. C’est cet amour maladroit, claudiquant, que je cherche à compenser aujourd’hui. Passées l’insouciance et l’ignorance de l’enfance, la conscience que j’en ai aujourd’hui me coûte cher. Et je vis à crédit.

J’ai besoin d’un amour sans « si ». D’un amour entier. Sans logique. Hors de la raison. Inconditionnel. L’amour « fou » comme on l’appelle abusivement. L’amour « vrai » comme je veux l’appeler, moi. L’amour qu’on offre à nos enfants, qu’on aimera quoi qu’ils fassent, quoi qu’ils deviennent, quels que soient leurs choix. Celui-là je ne l’ai jamais eu. Et je le veux. Éperdument.

Il m’a choisie comme ça. Il a été charmé par cette fragilité déguisée en force. Attendri par ce masque qui tombe parfois et que je tente toujours de remettre, maladroitement. Apitoyé par mes blessures, mais impressionné de me voir toujours debout. Ce n’est pas de sa faute à Lui si mon enfance est carencée en amour. Il n’est pas responsable de ma recherche éperdue. Mais c’est Lui qui est à côté de moi. C’est donc à Lui que mon désespoir s’adresse. Un désespoir tout nu, sec, décharné, effrayant et laid. Mais j’ai espoir…! Que dans le reflet de Son regard, il se grime et ne devienne qu’une ombre insignifiante… Sans importance… Or je me trompe. Car dans Ses yeux je le vois inchangé.

Je ne suis pas une femme. Je suis toujours cette petite fille en manque perpétuel. En recherche constante. Épuisée aujourd’hui, de ne trouver dans aucun regard de l’indulgence pour ce qu’elle est : bien intentionnée mais coupable. Attachée mais indépendante. Aimante mais imparfaite. Lasse d’essayer de grandir sans être acceptée. Malheureuse d’être jugée pour ce qu’elle veut devenir : libre…mais aimée.